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Archive for 1 janvier 2014

Le pervers narcissique et son complice, tel est le titre déroutant d’un livre d’Alberto Eiguer.

Si le terme de complice peut choquer certaines victimes, imaginez juste deux pièces contiguës d’un puzzle, qui n’ont ni la même forme, ni le même motif, mais qui s’emboîtent pourtant dans une parfaite complémentarité, comme le PN et son « complice ».

Une clarification s’impose :

Comme une entaille faite par une lame, la faille narcissique est plus ou moins profonde et douloureuse. De même, les comportements défensifs qui permettent de la compenser sont différents. A cet égard, le pervers narcissique et sa victime sont complémentaires car ils ont « la même faille », qu’ils cherchent cependant à compenser différemment. L’un comme l’autre ont presque toujours grandi dans une famille dysfonctionnelle -voire très pathologique- qui n’a pas tenu compte de leur individualité, de leur être. Tous les deux, une fois adultes, vivent avec la faille narcissique creusée par cette carence.

A propos du narcissisme :

Ecrire en quelques lignes ce qui remplit des pages entières, voire des livres, grâce à la compétence de spécialistes pointus, n’est pas aisé. Je vais cependant tenter de synthétiser au mieux ce que recouvre le terme « narcissisme ».

J’aimerais commencer par préciser qu’il ne faut pas systématiquement déprécier cette notion, qui, comme beaucoup d’autres, a été galvaudée, car il existe un narcissisme ‘normal’, sain. Retenons a minima qu’il y a divers degrés aux égratignures faites au narcissisme d’un enfant, au cours de sa jeune vie. Une fois adulte, l’image que ce dernier aura de lui-même, sera fonction de la récurrence et de la violence des attaques passées. Au mieux, il peut avoir une mauvaise image de lui, dans certaines circonstances, ponctuelles, particulières. Mais si la faille est plus profonde, il peut être sujet à des troubles narcissiques ou avoir une personnalité narcissique au sens psychiatrique du terme.

Cela signifie que son « image de soi » est mal construite, voire déplorable, catastrophique.

Quelques soient les explications données par les spécialistes de la question, presque tous s’accordent à dire que ces troubles prennent racine dans la relation à la mère qui aurait abandonné son enfant, soit en réalité, soit plus « subtilement ». À savoir : il est en effet possible que la mère ne supporte tout simplement pas que son enfant puisse s’épanouir en dehors d’elle, ce qui reste une forme d’abandon. Pour éviter la différenciation naturelle, cette mère va délimiter sa vie et leur relation de manière à dominer son enfant pour garder le plein contrôle de la relation.

Personnellement, cela me paraît limitatif : je pense que dans bien des familles, le père peut, à lui seul causer de multiples dégâts. Désireux de dominer, de contrôler sa famille, il peut choisir une femme soumise ou la soumettre dans le temps, faire des enfants qu’il assujettira également. Tyrannique, autoritaire, ne supportant aucune contradiction, pour assurer sa position toute puissante, les dispositifs utilisés peuvent être violents, tordus et malsains ! La fin justifiant les moyens, la force physique, les coups, seront motivés sous des prétextes pédagogiques (un jour tu me remercieras, quand tu seras grand(e) tu comprendras).

Les pressions psychologiques (exercées par la mère, par le père ou par les deux), les attitudes violentes, intrusives, contradictoires conduisent inévitablement, inexorablement à la négation de l’enfant et de sa personnalité. Dans les cas encore plus graves de toute puissance parentale, l’enfant est soumis à un climat incestuel voire au passage à l’acte incestueux.

Dans ces familles, où l’enfant est considéré comme un objet assujetti, il n’y a pas de place pour chacun de ses membres. Il faut penser comme celui qui contrôle et domine les autres. L’enfant, tout jeune, ressent fortement ce type d’attente. Pour ne pas perdre ce qu’il croit être de « l’amour parental », il refoule très tôt, dans sa vie, ses sentiments, ses sensations et ses pensées. Il sait qu’il ne peut pas exprimer ses émotions ni ses besoins sans prendre le risque d’un « plus grand abandon ». Il tente douloureusement de se faire accepter et aimer en s’adaptant, parfois en se sur-adaptant aux attentes délirantes et inadaptées – même non exprimées – du ou des parent(s). Il sent qu’il doit se conformer aux exigences perçues. Il s’applique à gommer ses différences, à ignorer ses ressentis et ses besoins. S’éloignant peu à peu de lui-même, il ne sait pas qui il est. Sa vie d’adulte deviendra une quête incessante et parfois vaine pour se connaître : il cherchera dans le regard de l’autre une confirmation de ce qu’il est puisqu’il a manqué de confirmation existentielle.

Nombreuses sont les familles dysfonctionnelles, dans lesquelles on observe ce type d’interactions. Les abus physiques, intellectuels, émotionnels sont quotidiens, les places et les rôles ne sont pas toujours respectés et il y règne un climat mortifère.

De ce point de vue, le pervers narcissique et sa victime, n’ont pas eu une enfance satisfaisante : au cours de leur développement psychologique, ces enfants délaissés, abusés, dénigrés, dévalorisés, maltraités, niés, impuissants à provoquer un élan d’amour, de tendresse ou de considération chez leurs parents, chercheront longtemps, parfois à vie, à combler le vide créé en eux.

Cette quête n’aura cependant pas la même forme pour le PN et pour sa victime.

On l’a compris, je pense, un narcissisme nécessaire et suffisant, non excessif, permet de s’aimer assez pour pouvoir aimer l’autre. Il s’agit de parvenir à un équilibre entre « être soi » -dans toute sa différence- et « respecter l’autre », sans le nier ou l’agresser. Vivre cette altérité est un défi pour chacun mais plus encore pour un manipulateur et sa victime.

Chacun se cherchera dans le regard de l’autre mais l’un en faisant TOUT pour se faire aimer, aux petits soins pour l’autre, s’oubliant, se niant de nouveau lui-même. L’autre en développant des stratégies pour se faire admirer. Le premier tentera de se réparer dans le désir de fusion, l’autre dans le désir d’emprise.

L’angoisse de la victime du pervers s’exprime souvent par une demande affective enflée, la plongeant dans un ballotage incontrôlé. Telle une coquille de noix sur un océan en furie, elle se laisse définir par les autres, en particulier par ceux dont elle cherche à se faire aimer, car elle ne sait pas qui elle est, vraiment. Elle pensera être ce qu’on lui dit qu’elle est, et elle sera plus encline à croire les qualificatifs dévalorisants que les compliments, fussent-ils sincères.

Son angoisse profonde est de ne pas être digne de l’amour, de ne pas être à la hauteur des exigences de l’autre.

L’angoisse du pervers narcissique est de ne plus être admiré, de ne plus plaire, de ne plus séduire, de ne plus être le centre d’attention et d’être découvert. Il angoisse, du coup, de perdre son partenaire, son objet, celui qui lui doit admiration, adoration, allégeance.

Dans un tel couple il n’y a pas de place pour deux, l’un prenant une place de tout-puissant, humiliant l’autre, le niant, l’autre acceptant de se laisser broyer, disparaissant au profit du premier. Le premier rejoue le rôle du (des) parent(s) persécuteur(s) qu’il a eu(s) en détectant, en flairant d’instinct, le second, qui se laissera humilié, rejouant ainsi parfois son enfance écrasée en s’alliant à ce conjoint mortifère.

A y regarder de près, tout concourt à gommer les différences, chez l’un comme chez l’autre. Pour ne pas se sentir insécurisé, celui qui domine exige de l’autre qu’il pense et agisse comme lui : l’autre n’a pas de place dans l’altérité et il ne sait comment la revendiquer puisqu’il a l’habitude, depuis toujours, de ne pas avoir de place. Les familles d’origines ont ainsi tendance à se reformer.

Je recommande vivement l’article concis et très clair, d’Isabelle Levert, sur le narcissique.

http://www.la-psychologie.com/narcissique.htm

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